C’est la question que se sont posés des chercheurs Allemands de l’université de Weihenstephan-Triesdorf (Allemagne). Les résultats ont été publiés dans un article scientifique récent. Cette question est importante pour mieux comprendre comment le numérique en agriculture affecte l’image que la population se fait des produits qui en résultent. Il s’agit d’une des toutes premiéres études qui traite cet aspect, ce qui est essentielle pour orienter la numérisation en agriculture et en accompagner le développement.

Les chercheurs ont mobilisé, par questionnaire, un panel de plus de 2000 allemands. L’indicateur choisi est la volonté des répondants à acheter des produits (VRAP) issus de différents systèmes agricoles caractérisés par différents niveaux de digitalisation. Des questions préalables permettaient de déterminer si les répondants étaient plutôt technophiles ou plutôt technophobes. Plusieurs modalités d’exploitations agricoles ont été présentées aux répondants (petite exploitation bio sans digitalisation, exploitation agricole conventionnelle sans digitalisation, avec digitalisation et très digitalisée). Les modalités ont été présentées avec 4 types d’explications différentes (altruiste sur la qualité de vie des agriculteurs et des salariés, environnementale en relation avec l’optimisation des intrants, égoïste en relation avec une diminution probable des résidus dans les produits, aucune explication) pour rendre compte de l’intérêt de la digitalisation. L’étude a révélé que dans tous les cas, la VRAP de la petite exploitation bio sans digitalisation est significativement supérieure. Sans explications complémentaires, le VRAP diminue avec le niveau d’intégration du numérique dans les exploitations. En présence d’explications sur la numérisation de l’exploitation, le VRAP peut augmenter avec l’intensité de numérisation des exploitations.

L’étude met en évidence un effet fort des types de répondants (technophiles vs technophobes). Avec un argumentaire environnemental, l’effet du numérique est positif sur les répondants technophiles (il devient très positif lorsque l’argumentaire est égoïste). En revanche, l’effet est pratiquement toujours négatif pour les répondants technophobes. Il est à noter, et c’est assez préoccupant pour les agriculteurs, que l’argumentaire altruiste affecte très peu le VRAP quel que soit le type du répondant.

Ces résultats sont intéressants car ils contribuent à une meilleure compréhension de l’impact de la numérisation des exploitations agricoles et son acceptation par la population. Ils montrent (pour les allemands) que le numérique en tant que tel ne constitue pas un élément permettant d’augmenter la confiance de la population dans la production agricole, il la dégrade au contraire. Pour être accepté, il doit être montré que le numérique est au service de fonctions répondant à des attentes égoïstes ou environnementales, mais un tel argumentaire n’a pas du tout le même impact en fonction de l’attitude générale de la personne vis-à-vis de la technologie (technophile ou technophobe).

Il est toutefois dommage que l’étude ait systématiquement opposé « petite exploitation familiale bio » avec « exploitation agricole conventionnelle ». De fait, elle induit un biais chez le répondant en opposant « exploitation agricole conventionnelle» et « bio », le bio étant réservé à « petit » et « familiale ». L’étude laisse supposer une opposition entre deux systèmes ou le numérique n’adresse qu’un seul d’entre eux. Il aurait été intéressant de voir l’effet d’une numérisation de la petite exploitation familiale bio qui de fait, utilise déjà souvent le numérique au moins à travers les réseaux sociaux.