5G : vers des machines agricoles téléguidées

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5G : vers des machines agricoles téléguidées

J’ai toujours gardé en mémoire une illustration que mon professeur de machinisme nous avait montré en cours (cf. image de ce billet mise en avant). Il s’agissait d’une chromolithographie intitulée « la Moisson  en l’an 2000» qui montrait un paysan épanoui entrain de piloter ses machines depuis sa terrasse (sans poussière, en sécurité et confortablement installé). J’étais alors étudiant et comme tous mes camarades de l’amphi, j’avais souri de la naïveté avec laquelle cette illustration du début du 20 éme siècle imaginait ce que serait la moisson dans 100 ans. Quelques années plus tard, et après avoir assisté à plusieurs présentations sur les potentialités de la 5G, cette illustration m’est revenue comme l’incarnation d’une fiction qui pourrait devenir réelle. Elle s’impose désormais comme une réalité en lisant l’article de terre-net qui décrit les expérimentations abouties de l’équipementier Valtra.

En collaboration avec Elisa, Valtra a mis en oeuvre et testé une solution utilisant le réseau 5G et une caméra 360° qui permet à un conducteur situé à plusieurs centaine de km, de piloter un tracteur. Le principe repose sur une caméra installée sur le toit de la cabine qui permet au conducteur distant, de bénéficier de lunettes de réalité virtuelle lui offrant une vision panoramique de l’environnement du tracteur. Comme dans un simulateur, le pilote a nécessairement accès aux commandes du tracteur (volant, freins, accélérateur, etc.) à distance, des expériences dans l’automobile montrent même qu’il est possible de faire ressentir l’état de la machine à distance (bruit, vibration, dévers, résistance du volant, etc.). Les machines radiocommandées existaient déjà depuis plusieurs années, mais les technologies de communication utilisées nécessitaient que le conducteur reste à quelques dizaines de mètres de la machine. Par ses caractéristiques, la 5G permet de lever des verrous technologiques forts en matière de machines télécommandées : 1) les débits passent de 600 Megabytes/s (4G) à 2 Gigabytes/s, soit l’équivalent de la fibre, 2) le nombre d’objets qu’il sera possible de connecter est de l’ordre du million/km², 3) mais surtout la latence (temps entre l’émission et la réception) est considérablement réduite, elle passe de 50 ms (4G) à env. 1 ms (5G) ce qui permet d’envisager un contrôle des objets très rapide à partir des informations collectées et des commandes renvoyées en retour.

Le prototype développé par Valtra (d’autres prototypes sont opérationnels chez d’autres équipementiers) laisse imaginer ce que l’arrivée de la 5G pourrait changer en agriculture. On se prend à rêver au meilleur (dans un monde où la couverture du réseau serait totale). Moins de pénibilité avec par exemple des tailleuses de vignes télécommandées qui permettraient d’éviter de subir la pluie et les rigueurs de l’hiver en les pilotant tranquillement installé (voire confiné) à côté de son poêle avec une tasse de café. Moins de risque pour les opérateurs, lorsqu’il s’agit de broyer l’herbe ou de traiter des parcelles en forte pente. Réduction de la charge mentale du responsable de l’exploitation, puisqu’il devient possible de recruter des tractoristes (tant recherchés) même s’ils habitent loin de l’exploitation, dans les villes… Mais on imagine aussi les changements importants que cela pourrait susciter, avec la possibilité de sous-traiter la conduite des machines par des opérateurs situés à l’autre bout du monde. On imagine alors la complexité juridique du procès visant à définir les responsabilités d’un accident qui s’est produit dans l’Aude en impliquant une machine de marque X, appartenant à l’exploitation agricole de M. Y, connectée par l’opérateur R et conduite par un villageois Pakistanais.

Le passage à la 5G n’est pas qu’une simple évolution comme nous l’avons connu lors du passage de la 3G à la 4G. Il s’agit manifestement d’un véritable saut technologique qui pourrait bouleverser de manière profonde l’organisation du travail en agriculture. Il faut s’y préparer.