Stage M2 : Développement d’outils numériques pour la filière apicole de Nouvelle-Calédonie
décembre 1, 2016Des machines agricoles sans agriculteurs ?
décembre 5, 2016L’agriculteur canadien high-tech Matt Reimer développe une application pour tracteur autonome
» Pouvez-vous nous en dire plus sur la technologie que vous avez développée? Que vous permet-elle de faire?
Cette technologie permet à un tracteur d’être « contrôlé » sans qu’il y ait besoin de conducteur : la direction ainsi que la vitesse du tracteur sont contrôlées à distance. Je peux faire déplacer un tracteur n’importe où dans le champ grâce à un guidage par GPS. La direction que prend le tracteur est déterminée par un logiciel situé dans la moissonneuse batteuse. Avec cette technologie, j’utilise le tracteur uniquement pour tirer la remorque à grains et vider la trémie de la moissonneuse. Une fois que cette dernière a vidé sa trémie et que la remorque à grains est pleine, le conducteur de la moissonneuse « prévient » le tracteur que son travail est terminé et qu’il peut repartir.
Combien de temps cela vous a pris pour créer votre propre technologie pour tracteur autonome?
Cela m’a pris environ 7 mois à partir du moment où j’ai commencé à travailler dessus. J’ai commencé en Janvier 2015 et j’ai continué à travailler sur ma ferme entre temps. J’ai apporté des améliorations significatives après la fin de la saison. Je suis ravi des progrès réalisés. Même lorsque j’étais à 4 mois du projet, je disais aux gens « Dans 2 ou 3 ans, mon tracteur pourra se déplacer tout seul dans le champ ». J’étais choqué de réaliser ce que j’avais pu accomplir.
Quelle a été votre réaction quand vous avez réalisé que votre technologie fonctionnait?
C’était très excitant. Je n’ai pas beaucoup d’expérience dans le domaine donc je n’avais pas d’attentes très élevées. La première fois que j’ai voulu le tester, ça n’a pas très bien fonctionné. Mon père n’était pas très impressionné. Il m’a dit « On peut déjà faire ça avec Autosteer » (pilotage automatique, ndlr) et j’ai dit « Mais Papa, le tracteur est commandé depuis une autre machine ! ». Au final, tout le monde est venu me voir quand ils ont vu ça. C’était très amusant.
Selon vous, combien de temps cela prendra avant que d’autres agriculteurs puissent mettre en place cette technologie sur leur tracteur ?
Cela dépend vraiment de leur niveau de connaissance. Il y a beaucoup de choses à apprendre pour pouvoir concevoir, mettre en place et tester le logiciel donc cela peut prendre plusieurs mois. Pour aider les agriculteurs, j’ai mis en ligne quelques documents sur ma page GitHub (service d’hébergement et de gestion de développement de logiciels, ndlr).
Comptez-vous commercialiser cette technologie?
Je vais essayer de la commercialiser ou voir s’il y a un intérêt pour cette technologie dans l’Ouest du Canada. J’ai démarré avec des technologies en open source et je compte laisser le projet ouvert à d’autres pistes à l’avenir. J’ai essayé de rassembler des informations sur ma page GitHub. Pour les personnes qui ne sont pas très « techniques », cela ne doit pas avoir beaucoup de sens mais au moins le code source est là et il y a une page wiki qui l’accompagne. Si les gens ont des questions, ils peuvent me contacter via mon profil sur DIY Drones.
Avez-vous testé votre technologie sur un tracteur bon marché?
Non, le tracteur que j’ai utilisé est le tracteur le plus cher de mon exploitation! Je n’ai pas essayé de tout tester d’un coup. Je l’ai fait par étapes. J’ai d’abord essayé de travailler sur la direction, la vitesse… Cela a été un processus assez progressif. Il y a un moment où j’ai eu très peur. En effet, j’ai dû toucher à quelques-uns des câbles à l’intérieur du tracteur et démonter le tracteur à un stade avancé : couper certains câbles et rajouter mes propres câbles et pièces électroniques. La première fois que j’ai fait ça, je me suis vraiment demandé si c’était une bonne idée, mais finalement ça a très bien marché.
Votre technologie peut-elle être appliquée à d’autres domaines?
Je crois qu’il y a beaucoup de développements possibles en open source. Lorsque j’étais sur le salon Agritechnica en Allemagne, j’ai parlé à des agriculteurs allemands et j’ai réalisé que beaucoup d’agriculteurs en Allemagne ne possédaient pas de système de navigation par GPS. Ils n’utilisent pas Autosteer car leurs fermes sont trop petites. Ils ne cultivent que quelques hectares et le font souvent avec l’aide de leurs voisins. Toute la technologie open source n’est pas présente là-bas mais je pense qu’elle constitue un moyen abordable d’installer, non pas nécessairement un logiciel pour contrôler un tracteur à distance mais juste un système de pilotage automatique. Cela pourrait être révolutionnaire sur certains marchés je pense.
Avez-vous songé à changer de carrière et vous investir dans des métiers high-tech ?
Je ne pense pas. J’aime être agriculteur, j’aime vivre au milieu de nulle part. Si je travaillais dans un métier technique, je n’aurais plus accès aux tracteurs et je ne pense pas que beaucoup d’agriculteurs me laisseraient jouer avec leurs tracteurs ! C’est quelque chose que l’on fait seulement avec son propre tracteur.
Merci pour cette interview !